Le mémoire finalisé

Introduction

Le design d’interface numérique a connu plusieurs évolutions depuis sa création. Deux grandes tendances en ressortent. Celle du design skeuomorphique. Le terme dérivé du latin « skeuos » qui signifie « contenant ou outil » et de « morphé » signifiant « forme,  aspect, allure ». Ce mot désigne l’intégration d’éléments visuels ou physiques dans un design numérique, imitant des objets du monde réel. La seconde tendance est celle du flat design
(« design plat » ). Il s’agit, à l’inverse du skeuomorphisme, d’un design d’interface épuré, minimal, clair, sans ornement ou élément superflu. Comme l’a evoqué Magnus Eriksen 
dans le magazine UX Matter1
On va donc s’intéresser à la problématique suivante :
Dans quelle mesure la transition vers un design d’interface sans références skeuomorphiques peut-elle transformer nos interactions numériques et améliorer l’expérience utilisateur ?
Opter pour ce genre de méthode ou de processus de création graphique revient à s’interroger sur la fonction et la valeur de l’ornement ou du superflu en matière de production graphique. Faut-il s’en passer? Et si oui pour quelles raisons ? Les raisons de ce choix sont-elles de nature exclusivement esthétique ou faut-il en penser d’autres ? Nous montrerons que cette décision méthodologique permet d’interroger à nouveau les rapports entre les formes, les fonctions, les usages et l’expérience de l’utilisateur. Pour ce faire, après avoir évoqué les fonctions et limites du skeuomorphisme dans les interfaces graphiques, nous envisagerons le flat design comme le  grand remplaçant avantageux du skeuomorphisme dans le design d’interface, ce qui nous amènera à envisager les innovations et l’expérience utilisateurs d’un design d’interface dénué de tout référent tangible. Note de bas de page introduction

Partie 1 
fonctions et obstacles du skeuomorphisme dans les interfaces graphiques

Le skeuomorphisme a joué un rôle crucial en facilitant la transition entre les mondes physique et numérique. Cette approche, qui consiste à intégrer des éléments visuels familiers dans les interfaces, a aidé les utilisateurs à se repérer facilement dans ce nouvel environnement digital. Par exemple, l’icône2 de la «poubelle» sur le bureau de l’ordinateur indique intuitivement aux utilisateurs où déposer les fichiers à supprimer. Ce type de repères visuel a contribué à instaurer une confiance, une facilité dans l’utilisation des interfaces numériques, mais a amener davantages d’aisances pour l’expérience de ces nouveaux utilisateurs ce qui leur semble plus intuitif et accessible. Le designer Dan Rubin évoque cette influence du web dans «Tourner la page3», en expliquant comment le web a été modelé sur les structures familières des livres. Les règles de composition, de mise en page, et les conventions graphiques des ouvrages imprimés ont été transposés en pixels pour offrir une continuité rassurante dans un environnement numérique. En somme, cette approche a conditionné le design web à imiter ce que les utilisateurs connaissaient déjà.

Cependant, malgré ses avantages initiaux, le skeuomorphisme présente des limites significatives. En effet, en reproduisant des objets réels dans les interfaces numériques, il peut complexifier l’ajout de nouvelles fonctionnalités et surcharger visuellement les interfaces. Prenons l’exemple de GarageBand4, l’application musicale d’Apple. Dans ses premières versions, l’interface était principalement composée d’éléments skeuomorphiques : boutons, instruments et autres détails imitaient fidèlement un studio d’enregistrement. Cette approche facilitait certes la prise en main des utilisateurs, mais à mesure qu’Apple ajoutait des fonctionnalités, l’interface devenait lourde et complexe. Pour maintenir une expérience intuitive, l’entreprise a dû s’orienter vers  un design plus minimaliste, abandonnant progressivement les références au skeuomorphisme. De plus, ce style peut poser des contraintes techniques, comme des temps de chargement plus longs sur des appareils moins performants, tout en limitant la capacité à innover par le poids de tous ces effets skeuomorphiques. à cela s’ajoute le fait, que les utilisateurs, en quête de modernité, se sont également lassés de ces représentations trop ancrées dans le réel. Ces limites ont conduit à une transition vers des approches plus épurées et fonctionnelles, mieux adaptées aux besoins actuels.

Après avoir exploré les fonctions et limites du skeuomorphisme dans les interfaces graphiques, nous constatons que ce style de design, bien qu’utile à ses débuts, présente des limites et défauts pour le design contemporain. Face à ces contraintes, les designers se sont tournés vers de nouvelles solutions. C’est dans ce contexte que le flat design a fait son apparition, s’imposant rapidement comme une alternative qui promet une expérience utilisateur plus directe et plus intuitive.Note de bas de page partie 1

Partie 2 
flat design, nouvel arrivant dans le design d’interface

En 2013, Apple présente iOS 75, un nouveau système d’exploitation tourné vers un design d’interface plus sobre inspiré du style suisse6 des années mille neuf cent cinquante. Ce système abandonne les éléments skeuomorphiques tels que les meubles en bois ou les boutons en forme d’interrupteurs au profit d’un design plus minimaliste et « plat ». Cette approche, connue sous le nom de flat design, marque une rupture avec les références explicites au monde physique qui sont désormais moins visibles et plus subtiles. En privilégiant des formes simples et des couleurs épurées,
iOS 7 s’adapte mieux aux usages numériques contemporains.Le flat design supprime les ornements superflus pour se concentrer sur l’essentiel, rendant les interfaces plus claires, fonctionnelles et universelles. Plutôt que de reproduire fidèlement le réel, ce design utilise des références subtiles au monde physique, favorisant une compréhension intuitive sans alourdir les interfaces. Comme le souligne un article sur la révolution du flat design7, ce style permet de concevoir des interfaces centrées sur les besoins des utilisateurs, tout en optimisant leur efficacité dans un environnement numérique en constante évolution.

Le flat Design a permis de concevoir des interfaces plus claires et mieux adaptées à nos usages numériques. Son adoption par le grand public s’explique notamment par l’apprentissage progressif offert par le skeuomorphisme, qui a familiarisé les utilisateurs aux environnements numériques. Désormais, ces repères tangibles ne sont plus indispensables pour naviguer efficacement dans les interfaces. de plus, les nouvelles générations fonctionnant beaucoup par mimétisme ont beaucoup plus facilement appris à utiliser nos interfaces numériques8 que n’ont pu le faire les générations précédentes qui, elles, ont eu besoin d’un temps de transition nécessaire. De ce fait, nous pouvons donc maintenant concevoir des interfaces faisant moins références à des éléments tangibles. Comme l’indique un article sur l’impact du flat design sur l’expérience utilisateur9, cette approche a rendu les interfaces graphiques plus intuitives et agréables comme celle de Google, tout en améliorant leur efficacité mais également permettre une meilleure adaptabilité des interfaces sur différents supports numériques (ordinateur, tablettes, téléphone etc.).Chacun ayant des caractéristiques techniques propres telles que leur taille, le fait qu’il soit tactile ou non et l’usage prévu pour cet appareil.

L’adoption du flat design a ainsi marqué une rupture avec le skeuomorphisme, apportant simplicité et clarté dans les interfaces numériques. Sans résoudre tous les défis, cette approche a cependant ouvert la voie à de nouvelles réflexions et explorations. Il est essentiel de s’interroger sur l’avenir du design d’interface : comment aller au-delà des concepts actuels pour concevoir des interactions numériques plus efficaces, fluides et centrées sur les besoins des utilisateurs. Le skeuomorphisme a-t-il encore sa place dans cette évolution ? Note de bas de page partie 2 

Partie 3 
innovation et expérience utilisateur

Aujourd’hui, les utilisateurs sont familiarisés aux environnements numériques, ce qui permet aux designers d’adapter les interfaces aux exigences actuelles de rapidité, d’efficacité et d’intuitivité. Le site du Material Design10 montre comment un design d’interface bien pensé peut allier simplicité visuelle et fonctionnalité sans recourir aux références skeuomorphiques. Par exemple, en intégrant des raccourcis et des outils personnalisables,
les interfaces deviennent plus accessibles tout en restant performantes. Une autre innovation clé est l’intégration progressive de l’intelligence artificielle (IA) dans nos appareils. Cette technologie révolutionne nos interactions numériques en répondant à notre besoin constant d’efficacité. L’IA est capable de trier automatiquement nos e-mails, de retrouver des photos à partir de simples mots-clés ou encore d’anticiper nos habitudes pour offrir des solutions personnalisées. Tout cela s’opère de manière fluide en renforçant l’expérience utilisateur sans alourdir l’interface. Ces avancées illustrent une transition vers des outils non seulement fonctionnels, mais aussi adaptés aux rythmes de vie moderne. On peut aussi parler du neomorphisme11 qui est un style de design d’interface apparaissant petit à petit dans nos interfaces faisant un mixte entre skeuomorphisme et flat design. Il a pour but de redonner un peu de 3D et de volume dans ces interfaces devenues trop « plates » et minimales. Néanmoins, il pose encore quelques difficultés en termes d’accessibilité. 

Julien Prévieux, dans une série de vidéos12, imagine des interactions innovantes avec nos appareils à travers de courtes vidéos hypothétiques. Ces scénarios explorent les possibilités futures et soulignent l’importance de concevoir des interfaces qui répondent véritablement aux besoins des utilisateurs, sans nécessairement s’appuyer sur des références au monde réel. Les technologies actuelles permettent de développer des outils et fonctionnalités qui dépassent les limites des éléments tangibles, souvent contraignants. Par exemple, l’application After Effects, de la suite Adobe, propose une interface riche en fonctionnalités, sans chercher à imiter des objets physiques. Bien qu’elle puisse sembler complexe à première vue, son design a été optimisé pour offrir une expérience fluide et intuitive une fois maîtrisée, sans éléments superflus. Un autre exemple intéressant est l’application de 3D, Blender, qui innove dans son interaction avec la souris. Contrairement à la plupart des interfaces, qui bloquent le curseur lorsqu’il atteint le bord de l’écran, Blender permet à la souris de réapparaître de l’autre côté, facilitant ainsi le travail dans un environnement de création 3D. Ces exemples demontrent qu’un design bien pensé rend une interface à la fois fonctionnelle et efficace, sans appui sur les repères du monde réel.Note de bas de page partie 3

Conclusion

Pour conclure, le skeuomorphisme a joué un rôle clé dans les débuts du design d’interfaces graphiques. Il a aidé les utilisateurs à se familiariser avec des outils numériques en s’appuyant sur des références concrète. Cependant, cette approche a rapidement établi des limites, notamment en termes de surcharge visuelle et de complexité. Le flat design a permis de simplifier et d’optimiser les interfaces, les rendant plus fluides et rapides. Bien qu’il s’éloigne des références physiques, il conserve encore une présence certes plus subtile ou allusive, moins littérale. Envisager des interfaces totalement dépourvues de liens avec les codes skeuomorphiques reste néanmoins complexe, car ces codes sont ancrés dans la structure même de nos systèmes informatiques. En effet, les langages informatiques à la base du fonctionnement de nos appareils s’inspirent souvent des phénomènes perçus dans le monde « réel », ce qui induit une rupture totale difficile avec ces repères. Cela illustre la persistance d’un lien entre le physique et le numérique, le « réel » et le virtuel, l’analogique et le digital, même dans les designs les plus minimalistes. En dépit de ces « restes », de ces résistances, de ces habitudes d’usage, n’est-il pas possible de concevoir un code qui repenserait de fond en comble le fonctionnement de nos appareils ?